En 2010, le célèbre club de Hambourg est centenaire, et au moment de réaliser son livre d’or, la question ne se pose même pas : fêter le FC St. PAULI c’est rendre hommage simultanément à un club et à un quartier. L’un ne va pas sans l’autre.
Car depuis les débuts du modeste gymnase, le sportif est anecdotique au regard de l’amour inconditionnel que porte la population de la ville portuaire du Nord de l’Allemagne à un club aux convictions antifascistes et antiracistes fortes, dont le célèbre drapeau pirate est le signe universel de reconnaissance.
En 100 ans, le FC Sankt Pauli aura vécu nombre d’aventures, quittant souvent la Bundesliga, seulement huit saisons, avant de se hisser à nouveau dans l’élite. Subissant en 39-45 la vision nazie d’un quartier aryanisé, fantasmé modèle d’ « hygiène sociale » dénommé « la Manhattan de l’Elbe », Sankt Pauli débaptisera son stade en 1997 réprouvant l’ère nazie, avant de décider d’échapper au naming en choisissant la liberté d’esprit. En mars 1943, justement, le réalisateur Helmut Kaütner filme le quartier des plaisirs sous les bombes à travers la figure d’un marin, Hans Albers, amoureux d’une prostituée jouée par Ilse Werner. L’intrigue se déroule « rue de la grande liberté » (Grosse Freiheit strasse). Le titre français du film « La Paloma », s’il rend hommage au réalisme poétique du cinéaste, perd de vue l’ambition première de « Grosse Freiheit N°7 », c’est-à-dire le besoin intense et revendiqué d’indépendance. Dans ce film censuré, redécouvert après guerre, aucun bateau dans le port de Hambourg ne bat pavillon nazi. Parti pris éditorial remarquable, cette double histoire de rébellion figure dans l’ouvrage, plaçant le football et son histoire au centre d’un bassin culturel dense.
Pour raconter ce mythe, les auteurs, deux historiens poussés à l’Université de Hambourg puis passés à la rédaction de la gazette du club, Viva Sankt Pauli ( https://www.fcstpauli.com/millerntor-live/viva-st-pauli/, un outil de communication particulièrement performant qu’il sera intéressant de feuilleter), recueillent des documents d’archives puis réalisent des entretiens de fans et de sportifs. Ils dressent un portrait intime et iconographique des amoureux du Millerntor-Stadion, comptant désormais 29 546 places – la population à aidé aux travaux de rénovation du stade – dont la moitié sont assises : à Sankt-Pauli on est vent debout ! Depuis la saison 2011/2012 le club évolue en 2Liga. L’épopée est relancée !
Rares sont les clubs capables de se prévaloir d’un environnement en adéquation toujours étroite avec leur histoire. Cette fusion, qui ne privilégie guère l’angélisme, refuse la légende dorée et reconnaît ses outrances, s’est forgée au fil du temps. Elle dit la singularité d’un espace urbain profondément lié à son club, dont chaque génération réinvente l’attrait. Impossible en conclusion de ne pas citer John Lennon : « Je suis peut-être né à Liverpool, mais j’ai grandi à Hambourg », et rappeler que les Beatles entre 1960 et 1962 ont démarré leur saga à Sankt Pauli – c’est au bar Kaiserkeller qu’ils rencontrèrent Ringo Starr avant de jouer à l’Indra ou au Moondoo. Les néons de la rue Reeperbahn illuminent la scène culturelle : théâtres, music-hall, bars rock, boîtes de nuit punks offrent au tournant des années 2000 au FC Sankt Pauli l’une de ses présidences notoires, avec Corny Littmann, comédien et propriétaire de théâtre, dont le talent portera le club aux sommets.
Pour en savoir plus sur le quartier de Sankt Pauli, Oliver Schwabe signe un documentaire exemplaire, « Les parrains de la pègre », diffusé sur Arte en 2022, « récit saisissant d’un chapitre brutal de l’histoire allemande d’après-guerre ».
Livre traité :
FC ST. PAULI. Das Buch.
Der verein und sein viertel.
Hoffmann und Campe ,2009
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