Poète, essayiste, scénariste, Georges Haldas est né en Suisse de père grec et de mère genevoise. Son regard est extraordinairement précis, un don d’observation exceptionnel qui signera toute son oeuvre. Même s’il évoque surtout le club du Servette FC, son ouvrage La légende du football est un exercice d’admiration bien trop méconnu par les amateurs de ballon rond.
De la buvette à la montée au stade, du drame du penalty aux temps morts, Haldas est partout en tribunes et sur la pelouse, écrivain de foot polyvalent, apte à se faufiler dans toutes les aires de jeux avec un talent aussi vif et insaisissable que les joueurs qu’il décrit en pleine action.
L’un des plus beaux passages du livre se nomme « l’imitation des grands ». Haldas y raconte comment tous les amateurs miment les gestes de ceux qu’ils glorifient, en espérant un jour les égaler puis les dépasser. C’est ainsi qu’il ranime Raymond Passello, avant-centre de génie, dont la personnalité rappelle quelques stars : « Un mélange, chez lui, d’indolence qui par moment indisposait, irritait le public et même ses plus chauds partisans, au point que parfois, malgré sa cote, il se faisait copieusement siffler, parce que Monsieur, par exemple, ne daignait pas aller chercher une balle passant à un mètre de lui seulement, laissant apparemment jouer les autres, l’air de dire – Aujourd’hui les cocos, je n’ai pas envie d’en toucher une, débrouillez-vous- ». Plus tard, il retourne le public d’un seul déclic : « Mais à peine, aussi, avait-il, avec son flegme légendaire, berné trois adversaires en deux secondes, avec la plus grande économie de moyens, et donné à un partenaire bien placé la plus audacieuse des passes, c’était, dans la seconde qui suivait, des « sacré Raymond !… Ah, celui-là… » Cependant que le même Passello ayant déclenché une attaque de grand style, au lieu de la suivre, s’arrêtait pile aux seize mètres, et, les mains sur les hanches, regardait soudain jouer ses partenaires, comme si lui-même était devenu spectateur. « Mais qu’est-ce qu’il fait ? Quelle cloche! ». Seulement voilà, un cafouillage s’étant produit devant les buts à la suite du centre adressé par l’ailier auquel il avait génialement glissé la balle, et celle-ci, après d’innombrables zigzags, étant revenue vers lui, Passello le feignant, d’un shoot éclair, mettait tout le mode d’accord en marquant à distance un but superbe». Avant de conclure : « Et c’est ainsi qu’en dépit de ses carences, ou peut-être à cause d’elles, et parce qu’alternant avec des prouesses, elles entretenaient une permanente imprévisibilité – moteur de l’intérêt pour les spectateurs-, on aimait Passello ».
Livre chroniqué : Georges Haldas, La légende du Football, L’Age d’homme, 2002 (Poche Suisse)
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