Qu’est-ce qui fait le standing d’un club de légende comme le FC Bayern ? Une série sur Amazon Prime ? Déjà fait ! Des antennes du club dispersées dans le monde entier pour assurer le soft power du produit ? Déjà fait ! Un musée conçu comme une boutique premium ? Déjà fait !
Alors qu’est-ce qu’un ouvrage collectif numéroté, haut de gamme, en deux tomes, pesant deux ânes morts, réalisé non pas sous forme de catalogue mais comme un récit de haute volée, rédigé par des historiens triés sur le volet, peut-il offrir de plus que le mythe ?
Toutes les légendes y sont en fait représentées : saisonnalités, séquençages, avènements successifs, sagas de joueurs et ambitions d’un organisme vivant qui se nomme FC Bayern.
Cette somme s’appelle « Die Bayern-Chronik », et comme Star Wars, a créé son vivier autonome avec le redéploiement à l’infini d’une matrice principale. Le club munichois est une énorme société de production.
L’objet est très impressionnant. Volumineux et tout rouge. C’est le berceau du Rekordmeister. Il est comme un messager qui vous chuchoterait toutes les histoires : embryon minuscule à ses débuts, le club est créé par trois amateurs de football, le 27 février 1900 dans l’auberge d’une accorte jeune femme appelée Gisela. Les amis fondent de gros espoirs sur le bébé. Le chérubin prend vite des joues roses et des pieds joufflus, il rencontre son public, avec ses composantes artistiques, comédiens et chanteurs du quartier de Schwabing et Maxvotstadt où il trouve son « Heimat ». Le Bayern est alors un « club juif », en tout cas identifié comme tel. Les documents méconnus abondent, ils restituent une épopée passionnante dont les ambitions en termes de communication n’ont rien à envier à la UFA, le pendant des studios hollywoodiens à Berlin où commença Ernst Lubitsch, entre autres.
La séquence 1932/1945 est abondamment traitée et raconte la réalité des drames vécus à l’intérieur du club. Quelques stades et d’innombrables matchs plus tard, apparaissent les chevelures folles des individualités que nous admirons toujours aujourd’hui, tel Karl-Heinz Rummenigge, dont l’on apprend – preuves à l’appui – qu’il possède les genoux les plus sexys qui soient. Immortalisés par Alan & Denise en 1983*. Et c’est parti pour de fabuleux cahiers iconographiques et les textes universitaires référents avec Breitner, Netzer, Hoeness et les autres pour un climax nostalgique auquel on n’échappe pas. Encore !
Les chroniques fourmillent d’idées graphiques et de mises en pages sublimes. On peut y comparer les logos du club de l’origine à nos jours en tirant la langue d’excitation et contempler les collections de photos « Autogrammenkarten » que les joueurs décernaient à leurs fans. Beckenbauer en 1966, c’est à peu de choses près, Elvis Presley. Breitner est partout, chaque photo est une mise en scène géniale que son esprit libre et son toupet afro déconstruisent. On se demande s’il n’a pas plus de charisme qu’Al Pacino ou Bob de Niro. Il préfère jouer au stade que dans un film. Le second tome passe le cap de la maturité et si les objectifs se radicalisent, quelque chose se neutralise aussi de la folle équipée des débuts. C’est la vie. On reprendra bien une tranche de « Die Bayern-Chronik » pour la soif. Monumental et indispensable !
Die Bayern-Chronik
Die Vollständige Geschichte des FC Bayern München, vorgelegt von Dietrich Schulze-Marmeling
Verlag die Werkstatt (2 tomes)
Band 1 : von 1900 bis 1979
Band 2 : von 1979 bis Heute
* https://www.youtube.com/watch?v=rKu98Xvyfd8 (Version 2019 en anglais)
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