Arminia Bielefeld : l’éternel recommencement ou le mythe de Sisyphe

Cela faisait 11 ans que les Bielefelder n’avaient plus respiré l’atmosphère de la Bundesliga. Ils connurent même les affres de la 3Liga avant de redresser la barre. Financièrement, le club dû vendre le stade à un consortium d’investisseurs locaux afin de procéder à un assainissement des comptes.

Le 12 novembre 2018, l’officialisation de la vente du SchücoArena a permis une baisse drastique de l’endettement du DSC (photo Dennis Rother)

L’Arminia peut enfin souffler … et, sous les ordres d’Uwe Neuhaus, remporte de façon magistrale la 2Liga 2019/20 avec 2 défaites en tout et pour tout et 10 pts d’avance sur Stuttgart ! L’exploit est d’autant plus grandiose que la densité de cet exercice, sur le papier, est effrayante : le VfB donc et les deux autres relégués Hannover 96 et le FC Nürnberg mais aussi le Hamburger SV, Sankt Pauli ou bien encore un étonnant FC Heidenheim. Le 4-3-3 offensif était quasi immuable et dans l’effectif, un futur international français à la maturité tardive occupe tout le flanc droit : Jonathan Clauss !

« Faire une Bielefeld »

Avec  50M de recettes réalisées seulement, le DSC est le grand favori pour la descente et la saison n’est pas une sinécure. Uwe Neuhaus peut pourtant compter sur un effectif stable, notamment en défense : le gardien Ortega, une charnière centrale Pieper-Nilsson renforcée par van der Hoorn, Brunner à droite. Seul le côté gauche laisse à désirer. En « 6 », Prietl justifie un système défensif, Kunze est son remplaçant idoine, Hartel apporte une touche technique. Quant à Fabian Klos, l’historique attaquant, n’a-t-il pas prouvé ses qualités de buteur en 3Liga et 2Liga ? En prêt, débarquent Maier, Cordova et Doan, ce dernier marque rapidement les esprits ! Rebelote en hiver avec Okugawa et Vlap moins performants. On résume : une ossature solide issue de la montée, agrémentée de quelques recrues censées amener une plus-value. L’Arminia lutte d’arrache-pied pour se maintenir et surtout ne pas se faire lâcher. Après la J6, le club se retrouve 15ème. Il oscille entre cette place et la 17ème tout au long de la saison. La J22 est le dernier acte de bravoure d’Uwe Neuhaus avec un épique 3-3 à Munich contre le FC Bayern. Après deux lourdes défaites contre le VfL Wolfsburg puis le Borussia Dortmund, à chaque fois 0-3, la direction sportive prend un gros risque en se séparant de son entraîneur alors que tout était encore possible. Elle argue du fait que l’équipe n’évoluait plus. Elle se prononce pour Frank Kramer. Bien lui en prit puisque le nouveau coach réalise un +4=5-3, se sauvant directement à la dernière journée !

Malgré les critiques des supporters, la direction sportive justifie la nomination de Frank Kramer et le départ d’Uwe Neuhaus (photo dpa)

Un seul « 9 » vous manque et tout est dépeuplé

Le mercato de l’été 2021 est volumineux avec plus de 10M investis. Une sacrée somme pour un club menacé d’insolvabilité quelques années auparavant. Autre caractéristique des achats, la jeunesse des recrues avec plusieurs « pépites » repérées comme l’ailier Patrick Wimmer, lequel fête sa première sélection autrichienne en juin dernier. Qui plus est, les promotions du VfL Bochum et de Greuther Fürth peuvent faire miroiter un exercice plus tranquille. Mais la direction sportive oublie un critère majeur. Si, lors du maintien, la défense fait le boulot, l’Arminia Bielefeld ne marque qu’à 26 reprises en 34 journées de « Buli », reflétant la seconde plus mauvaise attaque du championnat précédent. Klos montre ses limites à haut niveau et ne peut marquer plus de 5 buts à égalité avec Doan. Certes, Krüger et Serra sont recrutés pour augmenter la densité en attaque mais leur CV respectif n’affiche que des références en 2Liga. Le bide est complet et le trio ne marque qu’à 7 reprises, soit un but de moins que le milieu de terrain Okugawa. Le DSC remporte 5 rencontres en tout et pour tout en Bundesliga 2021/22, finit pire attaque de la saison mais surtout subit 2 terribles séries : aucun match gagné lors des 10 premières journées et 11 sans victoire pour conclure ! Le changement de coach après la J30, une décision trop tardive pour beaucoup, n’y change rien. Bielefeld redescend !

La « Fahrstuhlmannschaft », l’équipe qui fait l’ascenseur

Là où l’on se rend compte de l’erreur monumentale de ne pas avoir investi dans un attaquant de bon standing se mesure aussi sur les conséquences : Ortega est aujourd’hui à Manchester City, Pieper au Werder, Nilsson a préféré la MLS tout comme Schöpf, Brunner à Schalke, Wimmer fait des miracles au VfL Wolfsburg, le seul des joueurs cités qui n’est pas parti libre (5M) ! Le groupe avait de la qualité et il n’a pas été valorisé. L’effectif a donc été à reconstruire et l’exercice 2022/23 est plus que délicat.

Fabian Klos, meilleur buteur de 2Liga, 2 fois de 3Liga. 164 buts, le record du club, mais seulement 8 en 59 matchs de première division (photo Arminia Bielefeld)

Mais au-delà des vicissitudes financières, l’autre réalité est que l’Arminia Bielefeld n’arrive pas à sortir de son paradigme sportif : pour la huitième fois depuis 1972, le DSC retourne à l’étage inférieur, un triste record qui n’est battu que par le FC Nürnberg (9). Il y a cependant, en termes de statut, une énorme différence entre les deux entités : « der Ruhmreiche » (le Glorieux) de Bavière a remporté 9 championnats d’Allemagne, dont le Meisterschale 1968 en Bundesliga et 4 DFB-Pokal !

Et vu le « Hinrunde » 2022/23 en 2Liga, cela ne risque pas de s’arranger !