La Suisse : théorie des petits avantages comparatifs

Humiliée par le Portugal (1-6) lors de la Coupe du monde au Qatar, la sélection n’a pu « marquer l’histoire » comme elle l’espérait. Tout du moins pas dans le bon sens. Le déchainement médiatique qui suivi l’élimination contre le coach est aussi le signe d’un pays de plus en plus exigeant. A bon escient ?

Murat Yakin avait donc tranché, et comme le suggéraient déjà les derniers matchs de la Ligue des nations de l’UEFA, l’articulation version 2022 de la « Nati » se ferait autour d’un milieu de terrain renforcé avec la présence dans le « 11 » de départ du joueur de Francfort Djibril Sow, 1/3 récupérateur, 1/3 relayeur, 1/3 meneur de jeu ; un Embolo seul en pointe (ce qui reste un point de crispation possible malgré son excellent début de saison : 12 réalisations en 33 matchs toutes compétitions confondues dont 4 buts -et des importants- en 10 titularisations en sélection) et le retour à une défense à 4, loin des ambitions proposées dans le jeu par son prédécesseur, Vladimir Petkovic (2014-2021) adepte du 3-4-2-1 avec Shaqiri en meneur. Pour résumer par rapport à l’Euro 2021, Seferovic et Zuber disparaissent du « 11 » de départ, Vargas et Sow s’y installent !

Le camouflet contre le Portugal (1-6) interroge … (photo Laurent Gilieron/Keystone)

Murak Yakin mal jugé ?

Si sa nomination fut une surprise et qu’il n’était pas un premier choix, force est de constater que le bilan du nouveau sélectionneur est bon : maintien de la Suisse en Ligue A NL 2022/23 avec des victoires, certes généreuses, contre l’Espagne et le Portugal. Qualification directe pour la WC 2022 en finissant en tête devant le champion d’Europe en titre italien qui ne peut s’en vouloir qu’à lui-même. Qualification pour les 1/8èmes de finale WC malgré un groupe des plus difficiles avec le Brésil, la Serbie et le Cameroun. Sous Yakin, ce pays a tenu son rang et garde son image d’équipe fiable avec une belle expérience à très haut niveau. Le changement tactique, le passage dans une DC à 3 contre le Portugal fut loin d’être un succès, il ne peut cristalliser l’ensemble des reproches. Surtout si l’adversaire a pris l’habitude de vous coller quelques dégelées lors des dernières confrontations ! Le manque d’ambition dans les objectifs est à écarter : la Suisse espérait marquer un peu plus contre le Cameroun (1-0) afin d’optimiser sa situation avant la rencontre décisive contre la dangereuse Serbie.

Une analyse juste, c’est juste une analyse … où l’émotion doit être absente !

Cela fait maintenant plus d’une décennie que la « Nati » oscille entre le 8ème et la 16ème place mondiale selon le classement FIFA. La sortie de route contre le Portugal, l’ampleur de la fessée, masque la constance de cette nation depuis le dernier tournoi, la WC 2014, sous les ordres d’Ottmar Hitzfeld (2008-2014) et une présence systématique dans le modus à élimination directe. Qui plus est, l’équipe de Murat Yakin sait aussi réagir : menée par la Serbie, la « Nati » l’a finalement emporté 3-2 ! Mal partie avec 3 défaites pour commencer en Ligue des nations, elle redresse la barre l’emportant pour la première fois en Espagne (2 victoires seulement en 25 confrontations !). Un manque d’ambition ? L’actuel sélectionneur est maintenant en poste depuis début août 2021, 20 rencontres dirigées pour un bilan de +9=4-7 soit 1,55 pt/match. C’est moins que ses deux prédécesseurs : Hitzfeld émargeait à 1,77 pt et Petkovic à 1,79 pt. Certes, mais le bilan de Yakin monte à 1,69 pt dès que cela devient important dont 12 oppositions contre le Portugal (3), l’Espagne (2), l’Italie (2), la Tchéquie (2), le Brésil, la Serbie et donc le Cameroun pour un bilan de +5=2-5. Excusez du peu au vu de la qualité des adversaires ! De quoi relativiser un petit peu, non ?

Le sélectionneur suisse sur le grill … avec les bons reproches ? (AP Photo/Pavel Golovkin- Keystone)

Le choix des sélectionnés, la véritable critique ?

Le changement de système contre le Portugal fut un échec, la « starlette » Shaqiri ne fut pas le dernier à le noter lors de sa sortie médiatique visant implicitement le coach. Il y a pourtant beaucoup de bonnes choses à tirer de cette compétition au Qatar : la relève de Sommer, 33 ans, est assurée, Schär est redevenu une alternative crédible en défense centrale, Okafor pousse tout comme l’expérience emmagasinée par Rieder ou Jashari. Bien entendu, la « Shaqiri dépendance » est toujours omniprésente, il n’y a pas de véritable remplaçant à Rodriguez. Mais ce sont des problèmes chroniques et débarquer le patron du sportif n’y changerait rien. Par contre, la surreprésentation des milieux de terrain à la récupération (9 !) a surtout montré l’absence d’équilibre du groupe et d’alternatives. Widmer malade, Vargas et Fernandes ne sont pas des pistons, la rencontre contre le Portugal l’a confirmé ! Les absents de la liste, Mbabu, Lotomba et Zuber évidemment, auraient pu dépanner sans garantie de succès bien entendu. Mais au moins c’est une piste de recherche et une explication à la déroute ! S’il y a un péché d’orgueil à trouver chez Yakin, c’est bien là !