Union Berlin : l’art minimaliste au pouvoir ou le risque du « syndrome Simeone »

Qualifié pour les 1/16èmes de finale d’EL où il affrontera l’historique club néerlandais Ajax d’Amsterdam à la mi-février 2023, 5ème au classement à la trêve hivernale après avoir passé 7 journées en tête de la Bundesliga, le FC Union continue de faire du bruit dans le Landerneau teuton. Bénéficiant d’une hype médiatique à souligner mais aussi d’un soutien populaire rare pour une petite association, l’équipe de l’entraîneur suisse Urs Fischer a fini épuisée le « Hinrunde », montrant ainsi les limites d’un système qui doit évoluer.

Une réussite dantesque depuis l’arrivée du duo Ruhnert-Fischer

On sentait la montée possible depuis quelques temps. Mais personne ne pouvait révéler la saison exacte. Chaque année, la progression était tangible. Sous le septennat structurant d’Uwe Neuhaus (2007-2014), le club était passé du monde amateur à la 2Liga. Mieux encore, l’association sportive du quartier de Berlin-Köpenick était régulièrement citée comme un outsider possible à la promotion. Il faut dire que depuis la saison 2011/12, le club avait toujours fini dans la première partie de classement. En 2018/19, le moment est arrivé ! Derrière les 2 relégués supposés intouchables, Cologne et Hambourg, une meute de prétendants n’attendait que son heure pour profiter d’une défaillance. Si le 1. FC Köln tint son rang en dominant la compétition, le Hamburger SV commença son chemin de croix à l’étage inférieur … craquant en fin d’exercice. Le SC Paderborn, promu de 3Liga, et sous les ordres d’un coach commençant à se faire un nom, Steffen Baumgart, fut l’attraction et l’équipe-surprise. Le FC Union dans son habituel 4-3-3 modulable dut passer par un barrage mythique contre l’ogre du VfB Stuttgart ! 2-2 au Mercedes-Benz Arena et 0-0 à domicile. Le rêve devenait réalité !

27/05/2019, aux alentours de 22h30, l’Union Berlin est officiellement en Bundesliga ! (photo dpa)

En 2018, fraichement nommé à la direction générale des Sports après un an au département scoutisme, Oliver Ruhnert a la bonne idée d’embaucher le Suisse Urs Fischer. Le technicien helvète était sur le marché, n’ayant pas vu, en 2017, son contrat prolongé au FC Bâle malgré un doublé coupe-championnat et, surtout, une domination totale s’amusant à chasser ses propres records ! Fischer payait l’arrivée d’une nouvelle équipe de dirigeants mais aussi un style de jeu considéré comme peu attractif … le débat est lancé !

Maintien assuré tranquillement en 2019/20 (11ème) suivi d’une qualification pour la première édition de l’ECL la saison suivante avec une seule défaite à domicile (7ème) ! Rebelote en 2021/22 avec une fin de championnat au pas de charge (+6=1) pour décrocher une seconde expérience continentale, en EL cette fois-ci (5ème), à laquelle il faut ajouter une élimination en ½ finale de Coupe d’Allemagne contre le RB Leipzig lors des arrêts de jeu ! Difficile de faire mieux alors que le FC Union est un candidat naturel à la relégation. Durant cette période, Fischer va lentement mais sûrement procéder à une modification tactique de son système, passant du 4-3-3 au 3-3-2-2 en phase offensive (5-3-2 en phase défensive) très en vogue outre-Rhin. Les coups de pied arrêtés deviennent une arme fatale, l’optimisation des résultats aussi. Dans l’animation, le club berlinois laisse la possession à son adversaire, compensant par des volumes de course au dessus de la moyenne ou bien cherchant la vitesse de la « starlette » Sheraldo Becker chargé de servir l’attaquant de pointe. Une transition donc rapide, un jeu vertical compensant la faiblesse technique de l’équipe sans oublier une discipline défensive de tous les instants, au détriment d’un festival offensif. La phase de groupes EL est symbolique : 4 courtes victoires (1-0) pour 2 courtes défaites (0-1). Il n’y a plus rien d’accessoire à l’Union Berlin, le minimalisme se confond, parfois, avec la caricature lors des cadences infernales de la première partie de saison. Le « syndrome Simeone » guette, celui qui menace toute association à succès, qui oublie de se renouveler tactiquement, d’évoluer.

Qui plus est, les bons résultats sportifs favorisent la convoitise et des « no name » se révèlent tels Andrich (Leverkusen), Friedrich (MGladbach), Lenz (Francfort), Prömel (Hoffenheim) ou bien Awoniyi (Nottingham Forest). Ils sont maintenant des joueurs bien établis dans l’élite. La capacité de renouvellement de l’effectif, donc le travail d’Oliver Ruhnert, est essentielle dans l’épopée actuelle.

Une croissance par l’endettement dangereuse mais un pari en passe d’être gagné !

L’année de la montée, le FCU réalise 55M de chiffre d’affaires, un montant de recettes que pourraient jalouser certains clubs de notre L1. Mais plombée par la pandémie, la période 2019-21 se traduit par une perte cumulée de 18M rappelant la situation précaire de l’association sportive de l’ancienne RDA : des capitaux propres négatifs et un endettement important d’environ 100% du CA 2020/21. Une descente à l’étage inférieur aurait eu des conséquences dramatiques pour le club malgré la logique poursuivie de création de valeur donc les investissements dans l’équipe-première. En surperformant, l’Union Berlin a bénéficié de recettes supplémentaires conséquentes et non-anticipées dans le plan de charge ! Pour l’exercice 2021/22, le chiffre d’affaires est de 122M pour un gain après impôt de 13M. Le budget en cours est de 157M pour un profit de 20M ! Si cela se réalise, les capitaux propres seront positifs, une première dans l’histoire du club ! Tout le monde respire. De mémoire contemporaine, jamais un club de football allemand, sans « dopage financier », n’a connu de croissance aussi fulgurante !

Ruhnert-le Président Zingler-Fischer … Pompée-César-Crassus ou le Triumvirat revisité (photo Imago)

Les projets sont nombreux comme l’agrandissement de 22000 à 37700 places du stade An der Alten Försterei. Les travaux ne devraient pas commencer avant l’été 2024. Avec déjà 27 pts pris en 15 journées, le maintien est quasiment assuré pour une cinquième année de présence dans l’élite, laquelle saison 2023/24 clôturera aussi le premier cycle des droits TV perçus en Bundesliga et donc ne sera plus, par effet mécanique, un levier de croissance. De petits nuages commencent à s’amonceler au dessus du club si nous considérons que l’Union Berlin est largement sorti de son paradigme sportif. Le retour sur terre pourrait être brutal. Autant commencer l’évolution dès le « Rückrunde » ! Or celle-ci ne pourra passer que par le jeu.